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DEFENSE & SECURITE

Nouvelle donne politique britannique – le mirage du "splendide isolement"

Victanis Advisory Services GmbH
2018-11-03
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Pour les quelques observateurs français de la politique britannique, un gouvernement conservateur, sceptique (euphémisme) sur l'UE, avec une majorité serrée peut sembler familier – on pense évidemment au gouvernement de John Major dans les années 1990. Là s’arrêtent toutes autres comparaisons car c’est bien une reformatage complet du panorama politique britannique qui a eu lieu début Mai.

Alors que les sondages de clôture la semaine précédant l’élection laissé apparaître un très probable gouvernement de coalition, potentiellement un défaite des conservateurs, le résultat fut un gouvernement conservateur majoritaire, une disparition quasi complète des Libéraux-Démocrates (Lib-Dems) à l'échelle nationale en tant que force politique et un  résultat extrêmement décevant dans l'ensemble pour le Labour, notamment Ecosse où le Parti nationaliste écossais le remplace en tant que première force politique et ceci jusqu’aux prochaines élections générales (ou le prochain référendum).

C’est donc une hécatombe parmi les acteurs politiques de premier plan : Douglas Alexander, Ed Ball (Labour), Vince Cable, Simon Hughes, Charles Kennedy, Danny Alexander (Lib-Dems) et bien d'autres ont vu leurs carrières parlementaires (et politiques) se terminer. Dans ce naufrage des libéraux démocrates seul Nick Clegg, pourtant coupable d’avoir trahis presque tous ses engagements de campagne pendant cinq ans, a gardé son siège aux communes, désormais simple membre d’un parti ayant réussi à ne sauvegarder que 8 députés sur 57. C’est la fin de ce parti politique qui fut à la fin du 19ème l’un des deux plus grands du Royaume.

C’est même une hécatombe des chefs. La proclamation des résultats donnant lieu à la succession des démissions des responsable de partis perdant. On se demanda qui de Clegg ou de Miliband serait le premier à démissionner. Ils furent battus par Nigel Farage du UKIP (extrême droite) qui annonça sa démission en premier suivi du pâle David Miliband moins de 30 minutes plus tard. Le visage de la politique britannique a changé en une heure notamment pour le Labour anéanti dans son fief historique de l'Ecosse, en dépit du «non» dans au référendum sur l'indépendance

Les deux grands vainqueurs de cette élection sont donc David Cameron et Nicola Sturgeon du SNP Ecossais. Cameron est de retour à Downing Street avec une majorité qu'aucun sondage n’avait prédit avant le jour des élections et dont les conservateurs n’avaient pas osé rêver. Et Nicola Sturgeon a conduit le SNP à la victoire dans 56 des 59 circonscriptions de l'Ecosse

Le Parti de l'indépendance du Royaume-Uni (UKPI) avec son programme anti-UE, anti-migration est est lui aussi l’un des gagnants. Il acquière le statut de troisième plus grand parti du Royaume-Uni en termes de pourcentage - environ 12% - mais n’arrive à faire élire qu’un seul député. Malgré ce succès national, Nigel Farage a échoué à remporter son siège ce qui le bannît de Westminster, seul endroit où il aurait pu se battre pour la représentation proportionnelle. Disposition que David Cameron n’est pas susceptibles de mettre en œuvre dans les cinq prochaines années. 

Référendum UE, l'ombre du Brexit

David Cameron a dit très clairement qu'il ne voulait pas gouverner à nouveau sans la tenue d'un référendum sur l'UE, de sorte que cette la réforme de l’UE et cette échéance vont devenir les sujets politiques centraux des 2 prochaines années. L’échéance de 2017, extrêmement courte à l’échelle de l’Union, rend quasi impossible les réformes  souhaitées par Londres, conditions de son maintien dans l’UE mais qui nécessiterait un accord et un traité signé par les 28 membres en 2 ans. Mais si c’est le but affiché du Premier Ministre, l’échéance est peu réaliste.

Le serait-elles que les demandes de réformes de l'UE demandées par les britanniques sont floues et ont souvent changé au cours des dernières années. L’immigration, en dépit de son importance dans le débat politique britannique ces dernières années, ne figurait pas au centre de la campagne électorale, mais les questions de d’accès (et donc de contrôle) pour les citoyens de l'UE aux prestations sociales des pays hôtes (et particulièrement britanniques) sont susceptibles d’être une des pierres angulaires de la demande de Cameron concernant les réformes de l'UE. Un crédo très britannique qui pourrait ne pas être accepté par les autres états membres.

Pourtant, avec un « Brexit » maintenant dans l’ordre du possible, d'autres dirigeants de l'UE, notamment la France et les pays Scandinaves, jusqu’alors réticents compte tenu de l'approche frontale du Royaume-Uni dans les affaires européennes, seront néanmoins prêt à revoir la copie européenne pour garder le Royaume-Uni au sein de l’Union, tout en protégeant leurs propres intérêts. Les sondages portent pour le moment le «oui» (au fait de rester dans l’Union) en tête des suffrages, mais tout peut changer dans un pays avec un gouvernement ayant une si faible majorité et un agenda politique de droite non entravée par une coalition, un large contingent d’eurosceptique, des libéraux-démocrates pro européens désormais inaudibles, et une Union avec l'Ecosse restant sur le fil du rasoir.

Bien que l’échéance principale de la politique européenne du gouvernement Cameron soit le Référendum, ce dernier ne peut oblitérer qu’une sortie de l’Union sonnerait le glas de l'influence britannique en Europe et au sein même du bloc occidental.

Son relatif retrait des affaires européennes, au cours des cinq dernières années, que cela soit sa passivité sur l'Ukraine et la Turquie, son absence totale d’influence sur les politiques budgétaires de l’UE, a déjà entamé son influence globale. Une sortie de l’Union serait l’acte de fin de l’influence britannique au niveau mondial et son rattachement total à celle des Etats-Unis.

L'indépendance de l'Ecosse sur les cartes à nouveau

Les liens unissant les quatre Nations du Royaume-Uni sont désormais tendues à un niveau rarement atteint avec l'Ecosse et l'Angleterre désormais si différentes dans leurs orientations politiques respectives. Les résultats des élections en Ecosse étaient, à bien des égards positif, en ceci qu’ils forcent à un renouveau politique au niveau national, avec une vision moins manichéenne de l'UE,  des flux migratoire. Ils traduisent également une forte position anti-austérité que le Labour n’a pas su correctement exploiter électoralement.

Mais le SNP aura, dans les faits, peu d'influence sur le gouvernement de David Cameron (bien que la première déclaration de ce dernier sur les marches du n ° 10,  ait promis une plus large « devolution » rapidement) un accord pour une opposition commune SNP-Labour ayant volé en éclat sur la pierre d’achoppement de l’indépendance.

Bien que Nicola Sturgeon (leader du SNP) ait insisté sur le fait que ce vote n’était pas une relance du débat sur l'indépendance, la question se posera à nouveau si le Royaume-Uni quitte l’Union, l’Ecosse étant ouvertement pro-européenne. Alors que l’on croyait le Royaume-Uni sauvé de l’éclatement, les résultats de cette élections le replongent plus que jamais dans l’incertitude.

Quel avenir pour le Royaume-Uni ?

David Cameron l’a dit : il ne sera  pas candidat à un troisième mandat en tant que Premier ministre, de sorte que ses collègues du cabinet annonceront très bientôt leurs intentions dans la course au leadership du parti d’ici deux à trois ans. Georges Osborne étant le premier parmi les prétendants.

Le Royaume-Uni a un gouvernement plus clair et plus indépendant à la sortie des dernières élections que ce que beaucoup avaient prévu, mais l'avenir du Royaume-Uni, en tant que pays et membre de l'Union européenne, est tout sauf limpide. Devin celui qui prétend avoir la clé des cinq prochaines années, cinq années qui redéfiniront la position du Royaume, son avenir mais également celui de l’Union Européenne.

Eric Lambert
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