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DEFENSE & SECURITE

L’effort de défense français depuis 15 ans

Victanis Advisory Services GmbH
2018-11-03
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Les récentes déclarations de M. Jean-Claude Juncker sur la nécessité d’une armée européenne, des discussions récentes autours du rôle de la France dans la sécurité globale et les récents débats autour des sociétés de projets et donc du budget des armées m’ont amené à regarder de plus près l’évolution des LPM depuis 15 ans.

Dans les différentes phases d’un ‘french bashing’ devenu la règle dans certains pays, celle abordant notre manque de résilience et de consistance dans les affaires de défense arrive parmi les toutes premières. Qu’en est-il vraiment de cette France dont on se gausse dans les parlements allemands, certains salons antichambres Bruxelloises mais dont les troupes viennent évacuer, à échéances régulières, des ressortissants de nombreuses nationalités, protéger les intérêts européens ou fournir les bataillons qui combattent et fixent une menace djihadiste à l’extérieur des frontières de l’Union ?

Le présent, les faits

Parmi les grandes économies européennes, la France et le Royaume-Uni sont, actuellement, les plus contributeurs de la soi-disant défense européenne. Les deux pays représentent 40% des dépense de défense de l'Union européenne (UE). Chacun des deux pays dépense plus de 2% de son produit intérieur brut (PIB) dans leur outil de défense, alors que la plupart des autres pays de l'UE y consacrent moins de 1,5% de PIB.

En effet, alors que la crise financière qui a frappé le monde a poussé certains à baisser leur garde, et malgré que d’aucun considère comme insuffisant les budgets actuels, la France a continué à consacrer un effort financier majeur à sa défense. Selon le Livre blanc d’avril 2013, ce montant sera de 364 milliards de dollars pour la période de 2014 à 2025, dont 179 Mds pour les années 2014 à 2019 qui constituent la période critique de mise en place de la loi de programmation militaire puisque c’est sur cette période que doit être engagé d’important achat de matériel pour les 3 composantes, Terre, Air Mer. Cet engagement permettra (sic) la mise en en place d'un modèle d’organisation des forces censé permettre de répondre aux besoins de la défense et la sécurité nationale française ainsi de préserver sa souveraineté et son autonomie stratégique, tout en permettant (sic) de rétablir un équilibre des finances publiques.

Mais la constante surexploitation des forces en OPEX (la France a été impliquée dans des opérations militaires majeures ces 4 dernières années, Serval au Mali, Sangaris en République centrafricaine (RCA), puis Barkhane en Mauritanie,  Burkina Faso, Niger et Tchad, enfin Chammal en Irak), le déploiement militaire important sur le sol national (opération « Sentinelle  »), la volonté des armées de garder une « capacité d’entrée en premier » et des « capacités de nation cadre » a mis à mal ce paradigme de façon évidente. On peut également évoquer une relative prise de conscience du coût et de la nécessité d’une défense efficace par le citoyen français.

Tout cela, ajouté à l’insoluble débat sur l’utilisation régulière de recettes exceptionnelles et le projet (aujourd’hui avorté) de sociétés de projet de défense, a provoqué un Conseil Défense en Avril ayant pour objet d’examiner l’impact sur le budget militaire, et sur l’emploi même des forces, de l’escalade des opérations militaires extérieures (OPEX) et la nécessité, plus politique que sécuritaire, de maintenir en permanence des troupes déployées à travers la France ;

Le résultat de ce conseil est l’annonce, le 29 Avril 2015, par le Président François Hollande que la France allait augmenter son budget de la défense de près de quatre milliards d'euros sur quatre ans, en réponse aux menaces sécuritaires causées par les attentats djihadistes à Paris, en termes d’effectif, est l’annulation des 7500 derniers postes supprimés en 2017 et pourrait être un maintien de 18500 postes sur les 34000 qui disparaîssaient sous 5 ans. Les mesures proposées comprennent également de porter les  réservistes de 28.000 à 40.000.

C’est un soulagement immédiat pour les armées, à qui depuis 2010, on promettait une réduction de 2 à 3 milliards d'euros dans le meilleur des cas, et 4,8 milliards d'euros au pire, au cours des trois prochaines années.

A lire : Développement naval européen et options commerciales : tous à l'eau ?

Un peu d’histoire et encore des faits

Depuis 20 ans, les armées ont l’impression, parfois justifiée, d’être une variable d’ajustement budgétaire.

L’analyse des budget sur les 4 précédentes LPM ne leur donnent pas entièrement raison mais pas entièrement tort non plus. C’est plus d’inconsistance budgétaires du pouvoir dont il est, ici, question. 

En effet, les dépenses de défense avait été considérablement augmenté depuis 2002, avec l'objectif d'atteindre 2,5% du PIB. Cette augmentation fut inscrite dans la loi de programmation militaire pour la période 2003-2008, qui prévoyait un budget de 14,84 milliards d’Euro chaque année pour maintenir et améliorer les capacités des forces grâce à la livraison de nouveaux équipements. Cela représentait une augmentation moyenne de 6,8% sur l'ensemble de la période par rapport à la Loi de programmation militaire précédente, 1997-2002. Dans l'exercice 2007, le budget de la défense de la France a atteint 45 milliards de dollars, soit 2,6 pour cent du PIB. A titre de comparaison le budget américain de la défense en 2007 était d'environ 3,2 pour cent du PIB.

Dans une période budgétaire difficile, avec une forte contrainte de l’UE concernant les dépenses publiques, la France continue, seule, de porter une part incroyablement importante de la responsabilité de défendre la sécurité et la stabilité de l'Europe. La France a, sans cillé, souscrit à l’appel de l’allié américain à maintenir des niveaux crédibles de dépense de défense, clé d’une auto-défense de l’UE, des capacités efficaces de réaction face aux crises, et une grande participation dans les réponses internationales aux défis mondiaux, essentiellement militaire depuis 10 ans. Alors que la France participe à nouveau à la structure de commandement militaire de l'Alliance, elle a, depuis son retour en son sein, constamment démontré sa volonté d'engager des réponses collectives aux menaces communes. La France a été parmi les premiers pays alliés à tenir son rôle dans la guerre contre le terrorisme, et joue un rôle de premier plan, souvent moteur, dans d'autres opérations alliées.

C’est dans ce contexte d’engagement constant, donc difficile pour les forces que l’outil militaire français est l'objet d'une restructuration importante vers des forces armées de plus en plus petites, entièrement professionnelles et en cours de rééquipement (arrivée de nouveaux matériels, souvent en nombre plus réduit que l’exige le contexte opérationnel) Le tout avec la contrainte d’une meilleures interopérabilité avec les forces armées américaines et alliées.. Enfin la France consacre le sixième plus fort pourcentage des dépenses de défense (19,9 pour cent) pour des programmes de modernisation de l'OTAN (ie, supply chain et recherche et de développement).

La France est le deuxième contributeur de personnel pour les opérations de maintien de la paix dans le monde après les États-Unis. En 2001, les troupes françaises et (les forces de gendarmerie) ont participé à des missions des Nations Unies en Sierra Leone, au Liban, en République de Géorgie, en Bosnie, au Kosovo, dans Sahara occidental, en République Démocratique du Congo, et sur les frontières entre l'Irak et du Koweït, de l'Érythrée et de l’Ethiopie. À la fin de 2001, 5.200 soldats français servaient au Kosovo, où la France assurait le commandement de la KFOR en plus de d’assurer celui de la SFOR en Bosnie, où elle déployait 2.200 soldats. En 2001,en plus des troupes servant dans les opérations de maintien de la paix multinationales, la France comptait plus de 24.000 militaires stationnées à l'étranger, dont environ 6100 en Afrique. Ces chiffres sont à mettre en relation avec les engagements d’autres nations européennes au même moment. 

C’est en 2007, malgré l’augmentation d’un modeste 2,2 pour cent à 47,7 milliards d'euros, selon le projet de budget présenté par le ministre des Finances Thierry Breton le 27 Septembre 2006, que les choses changent. Si ce projet de budget dissipe à l’époque, les rumeurs que le budget de la défense pourrait diminuer à mesure que le gouvernement Chirac tente à réduire le déficit budgétaire global et sous la barre des fameux « 3% », il vise surtout à impressionner sur la prudence budgétaire française et ceci sous pression de Bruxelles. Car dans les faits les augmentations proposées correspondaient aux engagements précédents établis en 2002 pour la deuxième phase (2003-2008) d'un plan de modernisation militaire pluriannuel, qui avait établi les priorités de défense jusqu'en 2015. Le ministère de la Défense avait alors souligné ce nouveau budget comme preuve que la France reste attachée à son statut de puissance militaire mondiale, même à un moment où d'autres ministères subissaient des coupes importantes et où d'autres États membres de l'UE réduisaient plus encore leurs dépenses de défense.

Les fonds supplémentaires devaient principalement prévoir l'acquisition de nouveaux équipements. Une deuxième tranche de 700 millions d'euros pour commencer la construction d'un deuxième porte-avions, 475 millions d'euros pour l'achat de 12 hélicoptères NH90 qui remplaceraient les cacochymes Super Frelons, et 250 millions d'euros pour l'achat de Rafale au standard F3, 220 millions d'euros pour le développement initial de la classe Barracuda. Le ministère de la Défense prévoyait également l’achat de 117 VBCI, 50 missiles de croisière navals (SCALP) et 5.000 "systèmes FELIN.

2007 marque alors un tournant et une accélération du vieillissement matériel des forces et d’un désintérêt croissant des pouvoirs publics et de la Nation des besoins des armées.  Malgré la déclaration d’Alliot-Marie, alors ministre de la défense, que le budget constitue «une preuve éclatante de la valeur et de la détermination politique de moderniser la défense française en 5 ans" l'augmentation modeste du budget de la défense cachait des réductions notables et des promesses non tenues auquel le saupoudrage de crédit décrit plus haut tenait lieu de façade.

A lire : Maritimisation de la défense française, une réalité depuis 10 ans !

L’avenir, les conjectures 

C’est donc bien 7 ans à minima de réduction d’effectif, de décalage de programmes, de renoncement, de discours et de désengagement de l’Etat dont il faut tirer les conclusions et corriger les effets.

Le Premier paradigme est que la modernisation des forces françaises ne se réduit pas seulement à la seule réduction de format, de professionnalisation des hommes et de femmes ou au simple achat de matériel de nouvelle génération. Comme toute stratégie elle doit répondre à deux questions : quels moyens pour quelles ambitions ? Quel format pour quelles missions ?

Parmi les annonces importantes du chef de l'État lors de ses vœux 2015 aux armées et aux anciens combattants, le Président de la République a déclaré que « compte tenu de la situation exceptionnelle » à la suite des attentats, « le rythme de réduction des effectifs dans la Défense devait être revu et adapté » et a demandé au ministre de la Défense de « faire des propositions (…), en tenant compte évidemment des nécessités budgétaires ».

C’est donc bien à la France seule d’investir sans sa défense, c’est en fonction de ses seuls intérêts, puis d’interopérabilité avec les forces alliées dans le cadre de l’Otan qu’elle doit en penser l’avenir.

Le passé le prouve, la France est la nation qui a le plus dépensé dans la défense européenne parfois au prix de ses propres intérêts et besoins. Un réajustement doit être opéré et les annonces du Chef de l’Etat ne peuvent être qu’un commencement. Il en va de l’avenir du dernier levier de la puissance française dans le monde et du rôle qu’entend jouer la France dans l’avenir de la défense de l’Europe.

Eric Lambert
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